« La Grande Démission » : environnement de travail toxique et burn out
38 millions de travailleurs américains ont posé leur démission en 2021. Entre stress, incertitudes et conditions de travail difficiles, beaucoup ont ressenti le besoin de dire stop. Ils ont démissionné parce que leur environnement de travail devenait toxique, en partie à cause de la pandémie de Covid-19. Après dépression et burn out, certains ont su rebondir, à l’image de Kristin Bural, nouvellement propriétaire d'une agence de branding, Hetal Baman, « coach en burn out » et Luz, une New-Yorkaise de 30 ans reconvertie en créatrice de contenu.

Sur sa chaîne Youtube, Hetal Baman, devenue « coach en burn out » après la pandémie, poste diverses vidéos pour reconnaître les signes de l’épuisement professionnel. (Source : Chaîne Youtube Hetal Baman)
Le télétravail a supprimé une grande partie du côté social et humain du travail, laissant de nombreuses personnes impatientes de faire leur retour au bureau. Mais cela n’a pas été le cas pour tout le monde. « Démissionner a été la meilleure décision de ma vie », affirme Kristin Bural, une jeune femme qui travaillait en tant que designer de marque et photographe pour une agence de branding dans le Tennessee. Une agence de branding est un établissement spécialisé dans la publicité et le marketing des marques.
La pandémie de Covid-19 a fait passer l'entreprise pour laquelle elle travaillait de « mauvaise » à « extrêmement toxique ». Il n'y avait pas d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ses patrons étaient devenus des micro-managers, étaient ivres lors des réunions du matin et passaient souvent leur colère sur les employés.
« Bien que leurs comportements de gestion aient toujours été toxiques, la pandémie les a amplifiés », explique Kristin Bural qui est désormais propriétaire d'une agence de branding et de photographie à Nashville. La pandémie de Covid-19 a rendu le travail à distance presque automatique et n’a pas permis aux salariés de maintenir la camaraderie entre collègues. Pour de nombreux employés, le travail est devenu anxiogène, insatisfaisant et solitaire.
Taux de burn out en hausse
Après la pandémie, le taux d'épuisement professionnel des employés a atteint des sommets aux États-Unis. D’après l’Institut National de la Recherche Scientifique, le syndrome d'épuisement professionnel, ou burn out, est une réaction à long terme au stress qui s'accompagne généralement d'effets secondaires mentaux, émotionnels et physiques.
Au début de l’année 2021, Indeed, un site d'agrégation d'emplois, a mené une enquête auprès de 1 500 travailleurs américains pour déterminer le niveau d'épuisement professionnel de différents groupes de personnes. Alors que 43 % des employés étaient déjà en situation de burn out avant la pandémie, ce chiffre a atteint les 52 % quelques mois après le début de la crise. Les raisons ? De l'anxiété accrue, de la charge de travail plus lourde et le fait que les employés prenaient moins de congés.

Parmi toutes les personnes interrogées par Indeed, 80 % pensent que la pandémie a eu un impact sur l'épuisement professionnel. 67 % d’entre elles estiment que la Covid-19 a aggravé l'épuisement professionnel, alors que 13 % croient qu'elle l'a amélioré. (Source : Indeed)
Ce phénomène, Hetal Baman, une américaine diplômée de l’Université de Columbia à New York, en a fait les frais dans sa vie professionnelle. La direction de son précédent emploi était toxique. Elle n’avait pas l’impression d’être défendue par ses dirigeants. Après une dépression et de nombreuses crises de panique, « c’en était assez ». La pandémie s’est avérée être un moment de grande réflexion qui lui a donné la force de poser sa démission.
Alors qu’elle travaillait comme représentante clinique pour une société de cartographie cardiaque qui vient en aide aux patients souffrant de rythmes cardiaques irréguliers, la jeune femme d’origine sud-asiatique est aujourd’hui « coach en burn out ». « Je n'ai pas vraiment de travail au sens traditionnel du terme. Je veux aider les personnes qui ont déjà été dans ma situation », explique Hetal Baman qui a grandi à New York.
La santé mentale en jeu
Avec son nouveau statut, elle entend aider ceux qui se sont retrouvés dans des emplois insatisfaisants qui ont entraîné un épuisement professionnel. Elle se concentre principalement sur les femmes issues de minorités qui ont subi des pressions culturelles et sociétales les incitant à être « les meilleures et à poursuivre des carrières telles que médecin, ingénieur ou avocat ». Elle donne des conseils gratuitement sur sa page Instagram et sur sa chaîne Youtube.
Comme Kristin Bural, les travailleurs américains sont nombreux à penser que leur employeur ne se soucie pas assez de l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Et ils en ont assez. Ils démissionnent en masse pour trouver des entreprises qui se soucient de leur bien-être ou pour créer leur propre commerce.
C’est le cas de Luz, une entrepreneuse de 30 ans, qui a quitté son emploi en février 2021. « Ma santé mentale était déjà en jeu dans mon travail mais la situation a empiré avec la pandémie de Covid-19 », se confie la New-Yorkaise. Elle était employée dans le domaine de la santé avec des adultes handicapés ou ayant des troubles du comportement.
Selon la jeune femme, l’employeur de son ancienne entreprise attendait des salariés qu’ils « enfreignent les règles sanitaires au travail sans rien dire ». Ils étaient tous « traités injustement » comme s’ils étaient « jetables ». En plus d’un salaire extrêmement bas, elle décrit son environnement de travail comme étant toxique et mentalement abusif.
Culpabilité et privation des moments de joie
« Ils attendaient de nous que nous consacrions notre vie entière à notre emploi. Ils nous faisaient nous sentir mal ou coupables si nous ne le faisions pas », raconte Luz. Aujourd’hui, elle s’est reconvertie en « mentor / gestionnaire de médias sociaux et créatrice de contenu ». Elle a travaillé avec des entreprises telles que Roku et a même été contactée par Nickelodeon.
Pour Kristin Bural, la pandémie a surtout mis un frein massif à toutes ses activités en dehors de son travail. Elle ne pouvait plus voir ses amis, voyager, aller à la salle de sport ni même interagir en personne avec ses collègues. « La pandémie a supprimé tous les agréments de la vie et je me suis retrouvée face à la triste réalité de l'orientation de ma carrière », déclare, émue, la créatrice de l’agence de branding « Soulbeam Studio ».
En démissionnant d’un emploi stable, Hetal Baman a fait un saut dans l’inconnu. « Mais je ne voulais pas avoir 60 ans et être malheureuse dans mon travail », conclut celle qui a « la conviction que tout finit toujours par s’arranger ».
Aline Richermoz